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Senegal 97 & histoire du pays
En 1997, j'ai eu l'occasion de partir à l'Hopital de Tambacounda au Sénégal... j'y ai rencontré un pays, des hommes, des femmes et parmi eux des amis... Pépin, depuis, m'a fait la joie d'être le parrain de son fils (photo ici)
La dernière mise à jour de ce site date du 02/03/07 |
I - De la préhistoire à nos jours .
Le langage des tombes
L'homme naît de l'eau... Sur les rives du fleuve Sénégal ont été retrouvés de nombreux ossements humains, avec leur cortège d'outils en pierre taillée. Il y a 50 000 ans, des hommes vivaient déjà au Sénégal, comme le prouvent également les fouilles les plus récentes effectuées sur la presqu'île du Cap-Vert (Dakar). Des cercles de mégalithes en latérite, dressés vers le ciel, ont été découverts aux environs de Nioro-du-Rip, à une trentaine de kilomètres de Kaolack, la capitale du Sine-Saloum. On sait aujourd'hui qu'ils témoignent d'une civilisation adoratrice du soleil. Quant aux bijoux, outils et poteries de différentes périodes cueillis dans les monuments funéraires pyramidaux (tumuli), ils prouvent l'ancienneté, mais aussi la continuité de la présence humaine au Sénégal, du paléolithique jusqu'à la fin de la préhistoire.
L'islam face à l'animisme
L'histoire africaine ignore l'écriture. Troisième, IVème siècle ? Personne ne sait exactement quand naît l'empire du Ghana, de religion animiste, qui s'étend du Niger au Sénégal. Dès le VIIIème siècle, les voyageurs arabes ont été éblouis par la somptuosité de sa cour, par ses rois couverts d'or et de bijoux, par son armée riche de dizaines de milliers d'archers. L'empire entretient de nombreuses relations commerciales avec l'Afrique du Nord, ses caravanes traversent régulièrement le Sahara, chargées de sel, de cuivre, d'ivoire, d'étoffes chatoyantes.
Première guerre sainte
C'est de ce Sahara que viendront les Almoravides, moines guerriers berbères qui, au XIIème siècle, lanceront le djihad : la guerre sainte. Ils parviennent au fleuve Sénégal, et, en 1076, l'empire du Ghana est balayé. Le chef peul Wara-Oyobé se convertit à l'islam, ainsi que les Toucouleurs, dont les petits royaumes jalonnent la rivière. Le reste de la population, profondément secouée par ces conversions, demeure fidèle à l'animisme et s'éloigne vers le nord-ouest et le sud du pays; ainsi les Sérères glissent-ils vers le Sine-Saloum et les Wolofs vers la rivière Bounoum.
Amadou, l'empereur sauvé des eaux
Les récits des voyageurs arabes, premiers historiens de l'Afrique, sont souvent teintés de merveilleux. Ainsi la légende d'Amadou, fils du conquérant almoravide qui fonda le Djolof. Hostile au remariage de sa mère, Amadou choisit de vivre en solitaire sur les rives du fleuve Sénégal. il quitte parfois ses marécages pour apaiser les querelles villageoises. Ses apparitions fantasmagoriques, sa grande sagesse aussi, en font vite un personnage aussi redouté que respecté. Les chefs locaux (les lamanes) décident de le porter sur le trône. Digne successeur d'Abou Beker Ben Omar, son père, il donnera à djolof un rayonnement considérable.
Les grands empires
A partir du XIIème siècle apparaît un nouvel empire : celui du Mali, ou empire malinké ; il s'étend du nord-est de la Guinée au sud-ouest du Mali actuels. Au début du XIIIème siècle, de durs combats opposent Soundiata Keita, un de ses grands empereurs, à Sournangourou Kanté, souverain ghanéen du Sosso. Ce dernier est défait et tué. Dès lors, Soundiata et ses successeurs ne cessent d'étendre leur domination, de l'Atlantique au Sahara et de la Guinée à la vallée du Niger. A l'image de l'empire du Ghana, l'Empire malinké ruisselle de fastes, de richesses, de puissance. Connu jusqu'à l'Europe, il cultive arts et sciences, grâce à la présence de poètes, d'artistes, de savants arabes à sa cour. En 1337 meurt Kankan Moussa, empereur unanimement respecté dont la disparition sonne le glas d'un glorieux royaume. Harcelés par les ethnies qu'ils assujettissaient, les malinkés se replient alors vers la Haute et la Moyenne Casamance.
Du Djolof aux Wolofs
Au XIVème siècle, sous l'impulsion d'Abou Beker Ben Omar, descendant des Almoravides, naît l'empire du Djolof ; il est à l'origine de l'unité culturelle des Wolofs, qui constituent, aujourd'hui, le plus important groupe ethnique du Sénégal. Le Djolof commence par absorber les petites royautés qui se disputaient les dépouilles de l'empire du Mali. il construit ensuite une société hiérarchisée, rigide, rappelant un peu l'Inde et ses castes. Très vite, les ambitions personnelles lézardent les bases de ce nouvel empire. Le Djolof éclate à la fin du XVIème siècle. Les luttes fratricides s'y poursuivront pendant trois cents ans.
Une avant-garde dieppoise?
"On peut affirmer que les premiers habitants qui fréquentèrent cette partie de la côte africaine furent les Français, et, sans doute, les hardis marins dieppois", écrit Jules Verne à propos du Sénégal, dans sa "Géographie illustrée de la France et de ses colonies ". Il existe peu de documents pour étayer la thèse de l'écrivain; mais elle est appuyée par Léopold Sédar Senghor en personne. Certains récits situent la découverte du Cap-Vert par les marins normands en 1364 ou 1365 un siècle ou presque avant l'arrivée des portugais. Au Sénégal, les navigateurs dieppois auraient fait provision d'ivoire. Par la suite, Dieppe s'illustra dans le travail de cette substance.
Le temps des navigateurs
A la recherche d'une nouvelle route des épices, les caravelles portugaises arrivent à Gorée en 1445. C'est un tournant décisif dans l'histoire du Sénégal et du continent africain. Alors déserte, cette île offre un mouillage très sûr face à un littoral dangereux. Les Portugais en feront un port d'accueil privilégié pour leurs vaisseaux en route vers les Indes et l'Amérique du Sud. jusqu'alors, les grands échanges commerciaux que connaissait l'Afrique s'effectuaient par les pistes transsahariennes. Elles perdront leur importance avec les nouveaux arrivants, qui leur substitueront des voies maritimes.
Triomphe et tragédie de l'esclavage
L'arrivée des marins portugais au Cap Vert ne se borne pas à modifier les règles ancestrales du commerce de la gomme arabique, du cuir, de l'ivoire ou de la poudre d'or. Elle annonce l'expansion d'une industrie beaucoup plus coupable : celle de la traite des Noirs. De 1550 à 1850, on estime que 10 à 15 millions d'Africains furent arrachés à leur continent, pour être vendus au Brésil, à Cuba, en Louisiane, aux Antilles; 60 à 80 % d'entre eux moururent en route, marqués au fer rouge et entassés dans les cales des navires négriers. Sur l'île de Gorée, la Maison des Esclaves constitue, aujourd'hui, le symbole de ces horribles pratiques. Pourtant, le Sénégal n'était pas la destination préférée des trafiquants de chair humaine. Les grands sites esclavagistes se situaient plutôt dans le golfe de Guinée.
La Compagnie française des Indes occidentales.
De 1664 à 1674, cette association privilégiée eut le monopole, accordé par Colbert, de l'exploitation des domaines africains et américains du royaume de France. Son nom évoque la magnifique épopée de la marine à voile, mais aussi une superbe réussite commerciale, parfois due à des aventuriers sans scrupules. La Compagnie française des Indes occidentales est née dans la ville sénégalaise de Ndar, rebaptisée Saint-Louis en l'honneur de Louis XIV. Elle s'appela d'abord. Concession royale du Sénégal. Elle avait pour objet l'échange de tissus, verroterie, fer venus de France, contre ivoire, poudre d'or, huile, de palme et gomme produits par le Sénégal. Les esclaves servaient aussi de monnaie d'échange. Très vite, la Compagnie réalisa des bénéfices considérables, assurant ainsi le développement et la prospérité de la cité, et notamment des métisses les Signares.
Début du conflit franco-anglais
A la fin du XVIème siècle, les hollandais à leur tour, occupent Gorée. L'Atlantique est de plus en plus fréquenté. A la recherche de nouveaux débouchés commerciaux, les français remontent le fleuve Sénégal, les anglais s'aventurent en Gambie. Les uns et les autres témoignent des mêmes ambitions d'hégémonie. Au milieu du XVIIème siècle, leur rivalité éclate au grand jour. Entre eux, escarmouches et combats sporadiques dureront jusqu'au début du XIXème siècle. Finalement, le traité de Paris du 30 mai 1814 laissera à la France le champ libre au Sénégal.
La résistance
Dans le Fouta-Toro, El Hadj Omar, de retour d'un pèlerinage à La Mecque, a entrepris l'islamisation des foules. A la tête de 20 000 guerriers, il résistera à Faidherbe pendant deux mois, avant de fuir vers le Soudan. L'implantation française s'affirme alors, malgré l'opposition de certains chefs de guerre comme Mamadou Lamine, marabout sarakholé, ou Ma Ba, qui tient le Rip. Toute résistance organisée à l'installation française au Sénégal prend fin au début du XXème siècle.
La colonisation
En 1848, l'abolition de l'esclavage conduit la France à douter de l'utilité de conserver ses deux bastions sénégalais : l'île de Gorée et la ville de Saint-Louis. Mais la politique expansionniste de l'Angleterre amène le gouvernement de Napoléon III à écarter l'idée d'abandon. Louis Faidherbe, officier du génie sorti de Polytechnique, devient gouverneur de la colonie en 1854. Le pays se caractérise alors par des luttes intestines. Avec une poignée d'hommes et un matériel militaire réduit, Faidherbe entreprend sa réunification.
Vers le Sénégal moderne
En 1910 commencent les travaux du port de Dakar ; très vite, la ville va devenir la plaque tournante de la colonie. Et la plus prestigieuse cité de l'AOF. En 1914, un Noir représentant le Sénégal siège, pour la première fois, au Palais-Bourbon : Blaise Diagne. La situation sanitaire s'améliore, les structures sociales animistes disparaissent au profit de l'islam, l'école William-Ponty, à Sebikhotane, forme une véritable élite sénégalaise : dès le premier quart du XXème siècle se dessine le Sénégal d'aujourd'hui, tandis que s'amorce le réveil de l'Afrique.
De l'indépendance à la démocratie
Dès 1944, le général de Gaulle profite de la conférence de Brazzaville pour parler d'indépendance. Avec la fin de la Seconde Guerre mondiale, d'importantes mutations s'annoncent. Déchirée par deux guerres, empêtrée dans les conflits indochinois puis algérien, victime d'un système politique à bout de souffle, la France a perdu beaucoup de son autorité et de son prestige. La route de la décolonisation est ouverte. Au Sénégal, elle se réalisera autour d'une personnalité d'exception : celle de Léopold Sédar Senghor. Le 25 novembre 1958, la République sénégalaise, membre de la Communauté française, est proclamée.
L'échec de la Fédération du Mali
Senghor craint ce qu'il nomme "la balkanisation de l'Afrique occidentale". C'est pourquoi il crée la Fédération du Mali; elle regroupe Sénégal, Niger, Soudan et Haute Volta. Très vite, le Niger et la Haute Volta quittent cette Fédération à laquelle le général de Gaulle accorde l'indépendance, le 20 juin 1960. La rupture parait tout aussi inévitable entre les deux partenaires restés en présence, qui manifestent une conception très différente du pouvoir : les Sénégalais prônent le pluralisme, les Soudanais le parti unique. Le 20 août 1960, le Sénégal se retire et proclame son indépendance. Le nouvel Etat est aussitôt admis à l'ONU.
Senghor et Diouf : la continuité
Senghor devient président de la République. Deux ans plus tard, Mamadou Dia, président du Conseil, tente de le renverser. Il est arrêté et emprisonné. Pendant vingt ans, Senghor, homme de dialogue, va s'employer à moderniser le pays. Et à l'ouvrir à la démocratie. Le 1er janvier 1981, il abandonne ses fonctions de lui-même : du jamais vu en Afrique ! Son Premier ministre, Abdou Diouf, lui succède. Réélu en 1988 et 1993, ce dernier doit faire face à une grave crise économico-sociale. En 1995, il provoque un début de réconciliation au sommet de l'Etat. Mais les vieilles querelles ethniques réapparaissent, notamment en Casamance.
II - Repères chronologiques :
150 000 ans avant J.-C. : présence humaine décelée sur le fleuve Sénégal et la presqu'île du Cap-Vert.
3 000 ans avant J.-C. - 1er s. : édification d'ensembles mégalithiques dans la région de Kaolack, au sud-est de Dakar.
IV - XI e s. : empire du Ghana.,
XI e s. : invasion des Almoravides-, confrontation de l'animisme et de l'islam.
XIII e -XIVe s. : empire du Mali.
XIV e -XVI e s. : empire du Djolof au centre du Sénégal.
1364 : présomption d'un débarquement de marins dieppois au Cap-Vert.
1445 : les navigateurs portugais prennent possession de Gorée.
1510 : début de la traite des Noirs.
1588: les Hollandais occupent Gorée.
1626: fondation de la future ville de Saint-Louis par les français.
1634 : Richelieu octroie le monopole du commerce avec l'Afrique à des marchands rouennais.
1677 : Gorée tombe aux mains des Français,
1685 : la France édicte le Code noir; les esclaves y sont présentés comme une simple marchandise.
1763 : par le traité de Paris (10 février), les Français abandonnent le Sénégal aux Anglais, sauf Gorée.
1776 : les Toucouleurs créent un état confédéral et théocratique.
1779 : les Français prennent d'assaut la ville de Saint-Louis.
1814 : par le traité de Paris (30 mai), les Français récupèrent le Sénégal.
1816: Géricault peint le Radeau de la Méduse.
1817 : retour effectif de la France au Sénégal, nomination d'un gouverneur.
1840 : l'arachide devient le produit miracle du pays.
1848 : abolition de l'esclavage.
1854-1865 : Louis Faidherbe réunifie le Sénégal. C'est le véritable départ de la colonisation.
1857 : fondation de Dakar.
1860 : capitulation de El Hadj Omar, qui avait proclamé la guerre sainte.
1895 : le Sénégal prend la tête de l'A.O.F.(Afrique occidentale française).
1914 : pour la première fois, élection d'un député sénégalais, Blaise Diagne à l'Assemblée nationale Française.
1916 : la citoyenneté française est accordée aux habitants de Dakar, Saint-Louis, Gorée et Rufisque.
1946 : tous les ressortissants des territoires d'outre-mer accèdent à la nationalité française.
1958 : le général de Gaulle crée la Communauté française. La République sénégalaise est proclamée la même année.
1959 : la Fédération du Mali, à laquelle appartient le Sénégal, devient indépendante.
1960 : indépendance du Sénégal. Senghor accède à la présidence de la République.
1963 : nouvelle Constitution; instauration d'un régime présidentiel.
1974 : création d'un parti d'opposition : le parti démocratique sénégalais.
1981 : Senghor abandonne ses fonctions. Abdou Diouf lui succède et autorise tous les partis politiques.
1988 : réélection d'Abdou Diouf à la présidence.
1991: Le leader de l'opposition, Abdoulaye Wade entre au gouvernement.
1993 : Abdou Diouf est à nouveau réélu.
1995 : réouverture de la frontière sénégalo-mauritanienne. Après un séjour en prison, Abdoulaye Wade est à nouveau ministre.
2000 : élections présidentielles. Abdoulaye Wade est enfin élu après de très longues années de combat.
III
- Petit lexique des hommes célèbres :
Kankan Moussa : sans doute le plus grand empereur mandingue (XIVème siècle), pieux, sage cultivé. Accomplit le pèlerinage à La Mecque et développe le commerce avec le Maghreb.
Louis Caullier : fonde la ville de Saint-Louis (1659), première cité française en Afrique. S'y établira la Compagnie des Indes occidentales.
Le chevalier de Boufflers : figure pittoresque qui fut gouverneur de Gorée (1785). Célèbre pour son échange de lettres enflammées avec Eléonore de Sabran.
Lat Dîor : roi du Cayor, il est le dernier grand combattant à s'opposer à la colonisation. Tué en 1896.
Amadou Bamba : issu d'une famille de marabouts proche du roi du Cayor, fonde le mouridisme à la fin du XIXème siècle. Une doctrine en prise avec les préoccupations matérielles. Aujourd'hui, un tiers des musulmans sénégalais s'y réfèrent.
Jean Mermoz : parti de Saint-Louis le 12 mai 1930, il rejoint le Brésil aux commandes de son Latécoère-28. Disparu à jamais en 1936, après avoir décollé de Dakar.
Amadou Lamine-Gueye : élu avec Senghor à l'assemblée constituante en 1945. A l'origine d'une loi stipulant que " tous les ressortissants des territoires d'outre-mer ont la qualité de citoyens, au même titre que les nationaux français ".
Ousmane Sembene : intellectuel sénégalais autodidacte, considéré comme un des plus grands réalisateurs africains.
Abdoulaye Wade: principal opposant à Abdou Diouf. Participe plusieurs fois aux gouvernements formés par son adversaire.
Esclaves...
Pour la première fois en 1441, des Portugais capturèrent et emmenèrent en Europe des Africains pour les vendre comme esclaves. C'était le commencement de la traite négrière qui allait, pendant quatre siècles, entraîner la déportation d'environ douze millions d'Africains outre Atlantique. Ce fut un des volets du commerce triangulaire : des bateaux quittaient l'Europe, chargés de ce que l'on appelait globalement de la pacotille (tissus, barres de fer, armes et munitions, alcool, verroterie, etc). Sur la côte africaine, celle-ci était échangée contre des esclaves qui étaient revendus sur les marchés des Amériques et des Caraïbes pour travailler dans les plantations de canne à sucre, de coton ou de café et également dans les mines. Ce sont ces derniers produits que les navires négriers rapportaient en Europe au terme de leur fructueux voyage. Assez rapidement, les chefs africains virent l'avantage à tirer de ce trafic et firent des razzias ou des guerres pour prendre chez leurs voisins plus faibles des esclaves à vendre aux négriers.
Durant
le XVIème siècle, les Portugais restèrent presque les seuls à
pratiquer ce commerce. Au cours du siècle suivant, les Français, les Anglais et
les Néerlandais s'y lanceront à leur tour, provoquant un accroissement important
du volume de la traite.
Le
XVIIIème siècle est la période au cours de laquelle la traite
atlantique fut la plus intense. Les principaux points d'embarquement étaient
Saint-Louis (embouchure du Sénégal), Gorée, James Fort (embouchure de la
Gambie). La traite entraîna de profondes transformations politiques et sociales
au Walo, au Fouta Toro, au Cayor et au Baol [cartes].
Dans le Sine, les autorités ne se livrèrent pas en dehors des guerres à un
commerce très actif. En basse Casamance, les Diola et les Balant y étaient
opposés.
Au
XVIII, siècle, les principaux ports négriers européens étaient Liverpool (le
plus important de tous) et Bristol en Angleterre. Nantes et le Havre en France,
Middelbourg et Amsterdam aux Pays Bas. Dans les archives du port de Nantes, se
retrouvent des traces de 877 campagnes négrières qui se déroulèrent entre 1707
et 1793 et au cours desquelles 294.489 esclaves furent embarqués. En moyenne,
chaque navire transportait 336 esclaves. Le mouvement abolitionniste s'imposa au
XIXème siècle, conditionné, sinon dicté, par la révolution
industrielle. La traite atlantique fut en principe interdite en 1807 par
l'Angleterre et, dès 1808, des bâtiments de la Royal Navy patrouillent le long
des côtes africaines afin d'empêcher la traite clandestine. L'abolition devient
un fait dans les colonies anglaises en 1833. Entre-temps, la République de
Libéria s'était constituée sur la côte ouest africaine à partir de 1821.
Pour la France, Napoléon signa le décret du 29 mars 1815 abolissant la traite, mais elle continua clandestinement pendant une bonne partie du XIXème siècle. L'esclavage proprement dit fut aboli dans les territoires français en 1848.
La
traite transsaharienne avait commencé beaucoup plus tôt, sans doute dès le
VIIIème siècle. Elle alimentait les caravanes qui traversaient le
Sahara et qui remontaient vers le nord en emmenant des esclaves originaires du
sud du Niger. Du Maghreb, les caravaniers partaient avec des dattes, des
verroteries, des bijoux, des tissus. A mi-parcours, ils s'arrêtaient dans les
gîtes d'étapes connus dans le Sahara pour se procurer de l'eau, du sel et du
cuivre. L'ensemble de ces produits étaient échangés au Soudan occidental contre
de l'or, des esclaves et de l'ivoire. Les esclaves séjournaient quelque temps au
sud du Maroc pour être en bonne condition au moment de leur vente sur les
marchés du Maghreb et du Moyen -Orient.
L'importance
de cette traite est estimée à treize millions de personnes environ, sur une
durée bien plus longue. Les esclaves étaient destinés à des emplois domestiques
(serviteurs, concubines, eunuques), militaires dans les plantations (cannes à
sucre, dattiers cacaoyers girofliers cotonniers) et au travail dans les mines de
cuivre, de sel ou d'or.
Au
XIXème siècle la traite arabe sur la côte orientale de l'Afrique a
pris le relais de la traite transatlantique, pour atteindre son paroxysme entre
1880 et 1890. Zanzibar en fut la plaque tournante. Cette tragique exploitation
donna aux pays européens un prétexte d'intervenir en Afrique centrale et
orientale et tenter de mettre fin à ce trafic. Ils n'y réussirent jamais
complètement.
V
- La maison des esclaves :
Sur
la célèbre île de Gorée, de l'autre côté de la rue Saint-Germain, à côté d'un
jardin de plantes grasses, se trouve la Maison dite "des Esclaves", qui fut sans
doute bâtie vers 1786 par les descendants métis de Jean Pépin, chirurgien de la
Marine. On y pénètre en passant sous un porche qui débouche sur la cour.
Celle-ci est entourée de petites pièces qui abritaient les chambres des esclaves
domestiques et les cellules des esclaves de traite. Les premiers faisaient
partie de la famille et étaient souvent des serviteurs de confiance. Les autres
ne séjournaient dans les cachots qu'en attendant d'être embarqués sur un bateau
négrier à destination des amériques. Le long des murs qui bordent la mer, court
un étroit couloir percé de meurtrières. Cette disposition était imposée par les
Anglais lorsqu'à la fin du XVIIII, siècle, ils occupèrent l'île et abolirent la
loi française dite des cinquante pas du Roy, qui interdisait de construire le
long de la plage sur une largeur de quinze mètres afin de laisser le passage aux
troupes chargées de la défense des rives. Au milieu de ce couloir qui servait à
la défense éventuelle de l'île, une porte donne directement sur la mer, porte
dite du voyage sans retour.
Quoi
qu'en aient dit certains auteurs, il est peu probable que les négriers aient
utilisé cette porte pour embarquer les esclaves (les rochers ne permettent pas
aux chaloupes s'approcher). Cet embarquement se faisait plus vraisemblablement
dans l'anse puisque l'esclavage était pratiqué au grand jour. Les négriers se
servaient-ils de cette porte pour faire disparaître les cadavres ? D'après une
des lettres du chevalier de Boufflers à la comtesse de Sabran, ce procédé semble
avoir été utilisé au Sénégal : Dans ce temps ci l'air du Sénégal est le pire de
tous. Imagine que nous sentons de nos chambres, et surtout de la mienne, les
exhalaisons des cadavres des captifs qui meurent par douzaines dans les cachots
et que les marchands, par économie, font jeter à l'eau avec des boulets aux
pieds. Les boulets se détachent à la longue ; les corps flottent entre deux eaux
et vont s'arrêter sur le rivage dans des endroits où on ne peut arriver à pied
ni en bateau ; ils restent entre les manguiers et y pourrissent à leur aise.
Nous faisons des règlements pour parer à cela ; mais l'infection qui règne
actuellement nous montre qu'ils ne sont pas suivis.
Un bel escalier double en fer à cheval conduit à l'étage de la maison, réservé au logement des maîtres. Cette maison a été rénovée en 1990 par l'Association Gorée-Fraternité.
La maison voisine, construite vraisemblablement à la même époque, est aussi une ancienne esclaverie. Ses propriétaires ont tenu à préserver les cachots sombres, le couloir et les meurtrières, témoins de l'ancien mur de défense de l'île et prolongement de la "Maison des esclaves", ainsi que l'ouverture donnant sur les rochers.